• Portrait de Sally Zohney, diplômée 2006

    Publié le 2 juillet 2012

    Diplômée de la FESP en 2006, Sally Zohney nous donne un aperçu de son parcours professionnel très engagé pour la cause féministe, et de ses nombreuses activités liées à sa carrière.

    Quel a été ton parcours depuis l’obtention de ton diplôme en 2006 ?

    J’ai obtenu mon diplôme en sciences politiques en 2006, à la suite duquel j’ai effectué un master à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth. Puis, j’ai accompli un stage à United Nations Fund for Women (UNIFEM), qui a été pour moi, ma première réelle découverte de ce qu’on appelle « droit des femmes ». A la suite de ce stage, j’ai travaillé sur un projet de développement sur la santé. J’ai ensuite rejoint une ONG qui traitait principalement des droits des femmes, ainsi que de l’éducation des jeunes. A la suite de la révolution du 25 janvier 2011, j’ai repris mes fonctions à UNIFEM. Je dois avouer que tout au long de ma carrière professionnelle, je suis devenue de plus en plus passionnée par mon travail au point de devenir « féministe » au vrai sens du terme.

    Est-ce que cette carrière de « féministe » a vraiment été ton choix ?

    En fait, après avoir obtenu mon master, je me voyais plus « rédactrice » auprès de la chaine BBC par exemple, mais je n’ai pas vraiment  choisi ma carrière actuelle. Ce que je désirais vraiment, c’était de trouver un poste qui ne soit pas « bureautique », et au sein duquel je pourrais avoir des communications multiples à l’extérieur, ce que j’ai pu développer à travers mon poste actuel. Cette multiplicité voulait dire, de communiquer avec des gens de différentes tranches de la société, différents endroits, âges et cadres. Mon séjour au Liban m’a bien préparée pour un tel poste. C’est là-bas que j’ai rencontré des gens dans des contextes très différents de ceux de l’Egypte, des jeunes qui parlaient de bombes, d’explosion, de missiles, de martyrs, etc.. Je ne sais pas exactement comment je suis arrivée dans ce domaine, mais j’ai été consciente qu’à plusieurs reprises je désirais faire quelque chose, et on m’arrêtait sous prétexte que j’étais une fille et que je ne pouvais pas ou que je n’avais pas le droit de le faire. C’est peut-être pour cette raison que j’ai insisté sur le fait de poursuivre mes droits et les droits perdus de la plupart des femmes en Egypte. Après la révolution du 25 janvier, tout a changé et je suis devenue féministe à plein temps.

    Peux-tu nous parler davantage de ton métier?

    Mon titre à UNIFEM est « Youth Initiative Associate ». J’ai créé ce poste car je voulais travailler avec des jeunes qui ne sont pas inscrits dans les programmes du gouvernement. Par exemple, il existe des groupes de jeunes qui souhaitent travailler sur l’analphabétisme en Egypte, mon rôle avec eux, est de leur offrir une formation, ou le matériel nécessaire à cette formation, mais sans les financer. J’essaie aussi de les exposer au public et de leur donner l’opportunité de montrer leurs vraies contributions. Mais bien sûr, je fais face à plusieurs complications quand il s’agit de les convaincre et de gagner leur confiance. Ils ont toujours peur que quelqu’un leur vole leurs idées. Donc l’essentiel pour moi, est qu’ils me fassent confiance, et de les mettre en relation avec des organisations liées à ce qu’ils veulent vraiment faire.

    Comment la Filière a-t-elle contribué à ta carrière professionnelle ?

    Je dois avouer que depuis l’obtention de mon diplôme, et avec chaque année qui passe, je découvre une dimension différente de la contribution de la Filière à tout ce que je suis maintenant. Au début, je pensais qu’à la Filière nous avons eu un bon enseignement et une bonne compréhension de la vie politique en Egypte et dans le reste du monde ainsi que des relations internationales multiples. Mais là, je me rends compte, que ce n’était pas seulement ça, c’était essentiellement la création de nos personnalités et de nos propres opinions et

     recherches qui nous distinguent des autres. De plus, c’est à travers les divers activités de la Filière que nous avons appris à nous présenter, à présenter des idées et le plus important, à s’intégrer parmi les différentes cultures. Par exemple, des employés aux Nations Unies, peuvent avoir du mal à initier une conversation avec des gens dans la rue, contrairement à ce que nous avons appris à faire. Je dois aussi préciser que l’apprentissage en langue française m’a beaucoup servie, surtout que depuis la révolution, les relations Egypte Tunisie sont devenues de plus en plus fortes, et ,  la communication est parfois faite en français.

    Qu’est-ce que tu aimes faire en dehors des responsabilités du travail ?

    J’aime travailler sur des projets liés au théâtre et à la réalisation documentaire. C’est à travers le théâtre que j’ai pu commencer à aborder des sujets qui ont toujours été « inabordables » tels que la violence contre les femmes. J’ai aussi participé à un documentaire à UNWOMEN, d’une jeune réalisatrice de 24 ans. Ce documentaire traite du rapport au mariage de quatre femmes de milieux et contextes différents. Je travaille aussi sur un autre documentaire, traitant l’expérience de femmes de différentes régions d’Egypte, qui se sont présentées aux élections parlementaires. Mon travail dans ce documentaire consiste principalement à spécifier les questions et les sujets à aborder, de façon à ce qu’ils soient toujours liés aux droits des femmes. De plus, je suis engagée dans un autre projet qui vise à aider des femmes de Haute Egypte d’obtenir leur carte d’identité, car environ 4 millions d’entre elles n’en ont pas. Ce projet leur a permis de prendre conscience qu’elles peuvent avoir accès grâce à cette pièce d’identité à de nombreux besoins quotidiens et sanitaires, sans avoir à attendre l’aide de leurs maris.

     Entretien réalisé par Perihan Mansour

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    Le 8 juin 2012, Sally Zohney a participé à l’organisation d’une manifestation place Tahrir contre le harcèlement sexuel des femmes en Egypte. Cependant les manifestants ont été l’objet d’une attaque violente et préméditée et d’agressions sexuelles.  Sally nous raconte son témoignage poignant dans un article qu’elle vient de publier sur son blog, le 12 juin 2012. Elle y explique comment cela s’est passé, et souligne que « le harcèlement est un crime contre l’être humain, qu’il ne faut pas avoir peur d’en parler et que nos voix doivent arriver à tout prix aux médias ».

    Vous pouvez visiter le lien suivant pour de plus amples informations : http://m.mujaz.me/blogs/1254/fb